"Je suis illusionniste." Une réfutation. Bien sûr, qu’avait-elle pensé ? Le jeune homme faisait ce travail pour vivre, elle ne pouvait pas débarquer et le traiter de tricheur. « Bien sûr », acquiesça t-elle. Elle lui rendit son sourire et termina par : « C’est votre métier, vous êtes illusionniste, tout comme je suis professeur. Mais cela ne nous définit pas en tant que personne. » Elle posa son regard sur Elly, qu’elle savait être une mutante également. Et, pendant une fraction de seconde, une hésitation traversa son regard. Les temps étaient durs pour les mutants et ils le deviendraient peut-être d’avantage, qui était-elle pour oser venir les déranger, qui était-elle pour les intégrer à cette vie ? Mais elle se rappela également pourquoi elle les avait approchés, parce qu’ils en avaient besoin. Parce que, qu’importe désormais, le jour venu tous les mutants seraient touchés par le conflit, qu’importe leur appartenance à certains groupes, qu’importe que certaines veulent rester cachés. Et ce qu’ils avaient vécu et ce qu'il y avait dans la tête de cette petite fille n’était pas sain.

Elle sentit le doute flotter dans la tête de l’homme. Comment leur prouver qu’elle était sincère ? Elle les sentait sur leur garde. Ils pensaient qu’elle mentait. Mais de quoi se cachait-il exactement ? Le gouvernement n’était pas le seul en cause. "Mademoiselle Summers... Vous pouvez boire votre thé l'esprit tranquille, nous n'avons pas pour habitude d'empoisonner nos visiteurs, quels qu'ils soient." Surprise, elle abaissa la tête et réalisa qu’elle avait oublié sa tasse. L’esprit tranquille ? Elle n’avait jamais l’esprit tranquille. Mais c’était là le lot de tout télépathe. L’adolescente rajouta sur les paroles de l’homme, mais elle ne pouvait pas réellement cachée son état de profonde nervosité. Rachel eut un fin sourire à cette tentative pour détendre l’atmosphère et bu distraitement. Elle ne pouvait pas leur annoncer qu’elle était télépathe : une idée pour qu’ils se braquent encore plus. "Pourquoi êtes-vous venu nous voir alors? Qu'est-ce qui vous amène jusqu'ici?" La réflexion d’Elly par la suite aurait pu en effet expliquer pourquoi elle était là. Et déjà, elle se braquait, réfutait encore qu’elle n’était pas une mutante. Mais combien de temps allaient-ils jouer à ce jeu ? Rachel prit une grande inspiration.

« Vous connaissez l’Institut Xavier. » Ce n’était pas une question, elle connaissait la réponse. « Nous aidons les personnes qui ont des dons. » Elle posa son regard sur Elly : « C’est un lieu où les gens n’ont pas besoin de cacher qui ils sont. » Elle retourna à Jonathan. « C’est un lieu où on apprend à maîtriser ses pouvoirs sans crainte de blesser quelqu’un. » Ils pouvaient y voir là bien des allusions à leur passé. Elle déposa sa tasse à moitié pleine, et passa une main dans ses cheveux. « Je ne vais pas essayer de vous convaincre que je dis la vérité, ce serait du temps et de l’énergie perdus… et je n’en ai pas à revendre. » Le fait qu’elle soit fatiguée semble d’ailleurs plus flagrant maintenant. « Je vous ai dit la vérité, maintenant vous pouvez en faire ce que vous voulez. Vous pouvez me croire, ou continuer de nier. Mais franchement, je ne crois pas que ça marchera encore bien longtemps. Tôt ou tard, la vie nous rattrape. » Elle était prête à se lever et quitter la caravane. Elle avait dit ce qu’elle avait eu à dire, s’ils ne voulaient pas en savoir plus alors elle n’avait plus rien à faire ici.

Ils étaient très proche ; le lien qui les unissait indiscutable, indéfectible. Rachel ne put s’empêcher de penser ce qu’il en serait s’ils n’avaient pas eu ces dons, si seulement l’un des deux en aurait été privé ; ils ne se seraient jamais rencontrés, et alors que ferait l’autre sans ce lien si précieux ? Le genre d’attachement qui permettait de continuer même lorsque tout allait mal, qui permettait d’aller de l’avant, de confier ce qui rongeait l’âme. Deux individus qui dans un monde normal ne se seraient jamais rencontrés, totalement différents mais qui se comprenaient et se supportaient par tout ce qu’ils avaient vécus. Voilà peut-être ce qu’il manquait à Rachel. Bien sûr, l’institut était devenu sa maison, et toutes les personnes qui y vivaient sa famille. Mais parfois, même si elle pouvait se confier et s'en sentait soulagée, elle avait parfois la sensation qu’ils ne comprenaient pas le monde d’où elle venait, ce monde qui était si différent et si semblable en même temps. Ce monde où elle avait laissée une partie d’elle, pour en revenir à la place avec des cauchemars.

Rachel sentit un changement dans la suite des choses, comme un début d’acceptation qui commençait à les atteindre. De l’acceptation teintée de d’autres pensées honteuses, et toujours accompagnée de méfiance. La mutante plongea son regard dans celui d’Elly. Elle ne se demanda pas comment une enfant pouvait avoir un tel regard, car elle comprenait, elle mieux que quiconque.

" Dans ce cas, vous pourriez peut-être nous dire où ce trouve cet institut? De cette façon, je pourrais en parler avec Elly, et nous pourrions venir vous voir là-bas "si" et "quand" nous en aurions envie... "

Elle tourna son regard vers Jonathan et dit simplement : « Vous auriez un crayon, quelque chose pour que je puisse vous l’écrire ? » Pourquoi aurait-elle refusé de leur donner l’adresse ? Rachel était pleine de bonne volonté. Et lorsqu’elle eut ce qu’elle demandait, elle leur écrivit de sa belle écriture penchée : 1407 Graymalkin Lane, Salem Center. À partir de cet instant, tout reposait entre leurs mains, et ce qu’ils feraient de cette adresse ne lui importait plus. Par contre, elle espérait qu’ils viennent, elle espérait au plus profond d’elle-même pouvoir les aider. Elle se leva et leur tendit le papier. « Alors ce sera si et quand vous en aurez envie ». Sur ce, elle leur sourit, remercia pour le thé et les laissa face à la tentation que provoquerait ses paroles et cette adresse.