La mutante retint une exclamation de surprise et s’arrêta. Ce qui se déroulait devant ses yeux étaient tout simplement incroyable. Une véritable plaisanterie de l’univers tout entier. Bien sûr que Jonathan se trouvait là ! Justement lorsqu’elle voulait l’éviter quelques jours, le temps de laisser de l’eau couler sous le pont. Évidemment. Pourquoi lui facilité la tâche ? Le destin lui jouait un bien mauvais tour en mettant cet homme sur sa route ! Rachel en fut légèrement contrariée.

Que diable faisait-il là avec son élève ? Ne pouvait-il pas s’en choisir un autre ? Rachel soupira alors : Jonathan ne pouvait qu'ignorer qu’elle devait venir l’aider. Elle resta à l’écart pour observer ce qui se passait. La curiosité chassa rapidement son désappointement. Un sourire en coin apparut sur son visage : elle venait de trouver son remplaçant ! Jonathan semblait prendre plaisir à ce qu’il faisait. Elle en profita pour regarder le télékinésiste en action. Il semblait aller beaucoup mieux. Il tardait à Marvel Girl de tester le nouveau pour voir jusqu’à quel point il maîtrisait son pouvoir.

La mutante aurait pu presque le remercier pour l’avoir remplacée, alors qu’elle était en retard. Mais mieux valait ne pas trop le complimenter. Elle se surprit à les regarder trop longuement, spécialement Jonathan. Secouant la tête, elle se morigéna intérieurement. Puis, elle se composa une expression neutre et fit connaître sa présence en s’avançant dans leur direction. Grey ne manqua pas de féliciter l’élève pour les progrès qu’elle avait remarqué et lui permit d’aller s’amuser avec les autres s’il en avait envie. Elle écourtait de peu son entraînement. Il repartit en remerciant Jonathan. Rachel tourna ensuite la tête vers l’homme. Elle constata : « Je vois que vous avez récupéré. »

Agir comme si rien n’était, c’était la meilleure solution dans cette situation. Rachel aurait dû conserver cette attitude depuis le début, au lieu de se laisser attendrir de la sorte. Cette relation n’avait même pas été entamée, que déjà elle semblait ne vouloir mener nul part. Pourquoi se torturer de la sorte ? Rachel avait déjà assez de préoccupation sans en plus avoir dans ses pensées l’image de Jonathan, ses pensées et ses rêves. Tout ça allait bien trop loin. Elle savait ce qu’il y avait dans sa tête, elle savait que lui aussi voulait mettre de la distance, parce que son incapacité le frustrait, qu’il en souffrait. Rachel prenait la bonne décision, elle n’avait pas besoin de s’en convaincre, elle devait seulement s’y tenir.

La mutante secoua lentement la tête, signifiant que cela ne la dérangeait pas qu’il l’ait remplacé. « Au contraire. Nous travaillons tous pour le bien des élèves, après tout. » Elle évoquait là un simple fait impersonnel. Le ton quand il lui demanda comment elle allait, même s’il resta polie, fut légèrement froid et lui fit l’effet d’une douche froide. Voulait-il vraiment jouer à ce jeu ? Se comporter de cette façon ? C’était une façon bien maladroite d’ériger une barrière entre eux. La mutante ne put s’empêcher de lui répondre de la même façon : « Très bien. Merci. » Elle détourna la tête et, se faisant, ses yeux tombèrent sur les petites cibles utilisées. « L’occasion de pratiquer? J’ai vu ce que vous étiez capables avec de petits objets. Que savez-vous faire d’autre? »

La froideur n’était pas la meilleure attitude à avoir. Jonathan l’y avait poussé, mais déjà Rachel se sentait faible d’avoir répondu par les mêmes armes. Si c’était une méthode efficace pour s’éloigner l’un de l’autre, c’était aussi très lâche. Son impulsivité avait déjà souillé le lien qui la liait avec Malicia. Et pourquoi ? Parce qu’elle n’avait pensé qu’à Jonathan. Rachel ne souillerait pas cette amitié –ci par une froide et inutile hostilité. Libre à l’homme de se servir de ses armes-là, si c’était tout ce qu’il possédait pour se défendre contre la belle rouquine. Ainsi, Rachel trouva un sujet de discussion.

Devant le rire et le sourire du mutant, elle leva un sourcil. « Souvenir amusant ? » Une question qui demandait une réponse plus constructive que oui, car la seule réaction de Jonathan indiquait bel et bien qu'il s'agissait d'un bon souvenir. Il enchaîna ensuite, complétant de ce fait la liste de ses capacités, et indirectement de ses incapacités. Ce n'était peut-être pas la salle des dangers, mais cela n'empêchait. Une image vaut mille mots, après tout. Elle l’incita à se servir de ses pouvoirs : « Rien ne vaut une démonstration. Impressionnez moi. »

Jonathan ne semblait pas enclin à partager ce souvenir avec elle. Malgré la vague de peine qui l’emplit quelques secondes avant de se retirer, Rachel comprit que c’était très légitime de sa part. Il n’avait plus aucune raison de se confier à elle, si elle-même ne le faisait pas. Jonathan construisait une barrière entre eux. Il rajoutait une nouvelle brique à son pan de mur. Il les aidait à se tenir éloignés l’un de l’autre. C’était là une barrière que Rachel pourrait facilement survoler ou faire voler en éclat, si elle le voulait.

" Je ne vois pas comment je pourrais faire ça, alors que vous êtes capable de tellement plus. "

« Qu’en savez-vous ? »

L’idée d’avoir à l’impressionner semblait être un blocage pour l’homme. Pourtant, il avait tord, car qu’importe l’étendue de ses pouvoirs il pouvait l’impressionner. Jonathan n’avait pas besoin de faire l’étalage de ses pouvoirs. Pas besoin d’un feu d’artifice, pour impressionner une femme. Chacun évolue à son propre niveau. Le contrôle qu’à un débutant sur ses pouvoirs est aussi impressionnant que celui d’un mutant de haut niveau. Après tout, il suffit d’une petite flammèche pour allumer un feu et créer un incendie. Elle était capable de voyager dans le temps, mais cela ne la rendait pas insensible pour autant.

" Vous pourriez peut-être préciser ce que vous aimeriez que je fasse. Après tout, je suppose que vous voulez me tester, non? "

L’essayer comme on le fait d’un vêtement avant de l’acheter et de le ramener à la maison. Le tester comme lorsqu’on va à une dégustation pour connaître le goût d’un gâteau et choisir celui qui à le plus excité nos papilles gustatives. Elle parut un peu perplexe en répondant.

« …C’est ce que je veux, oui. …N’est-ce pas ce que vous voulez, vous aussi ? » Il voulait s’entraîner, après tout : tester ses performances faisaient partit du jeu. Mais c’était une réponse tout aussi ambiguë. Elle haussa les épaules : « C’est votre pouvoir Jonathan, montrez moi ce que vous savez en faire. »

Rachel se retint de secouer la tête, dépitée. Il était si concentré à fermer son esprit qu’il négligeait le reste. C’était en grande partie sa faute. Totalement sa faute. Parce qu’il lui faisait de l’effet, elle ne pouvait s’empêcher de capter chacune de ses pensées. Elle avait ensuite été injuste en lui suggérant de travailler sur le contrôle de ses pensées. Franchement, ce n’était pas à lui de faire des efforts. Maintenant, Jonathan en faisait beaucoup pour ne laisser aucune pensée filtrer. Si elle n’y mettait pas le holà, Jonathan deviendrait obsédé par ça à chacune de leur rencontre. Et si elle n’y mettait pas un peu d’elle, il allait croire qu’elle lisait toujours impunément en lui. Bonjour la gêne. Non, c’était à elle de filtrer ce qui l’entourait. L’homme n’aurait plus d’inquiétude à avoir. Rachel tiendrait sa promesse.

La mutante quitta des yeux la pièce métallique pour regarder Jonathan. " En temps normal, j'aurais fait une tresse bien régulière, mais je ne suis pas encore au top... après ma mésaventure d'avant-hier. " Une bien piètre excuse qui ne la trompa guère sur les véritables motifs. Deux sentiments se disputèrent en elle et elle hésita sur la marche à suivre. Elle ne pouvait pas lui en vouloir de faire quelque chose qu’elle lui avait presque conseillé. Son regard se promena de courtes secondes avant de revenir calmement à Jonathan. « En temps normal… Et si vous ne faisiez pas autant d’effort pour fermer votre esprit. » Elle continua humblement : « Oubliez ce que je vous ai dit, hier. Je crois que j’essayais de trouver une excuse pour mon manque de contrôle. » Elle tourna la tête vers l’objet reposant sur le sol, et les tiges se décroisèrent pour reprendre leur aspect initial. « Concentrez vous plutôt sur votre télékinésie, ça vaudra mieux. » Elle désigna d'un geste de la main l'armature, l'incitant ainsi à recommencer.

La colère. La dernière et seule fois où elle l’avait vu dans cet état, c’était lors d’une soirée dans le parc. Ce même parc. Parce qu’elle n’avait pas su comment réagir à l’une de ses révélations. Aujourd’hui encore, il réagissait à ses paroles. À croire qu’elle avait le don de susciter les sentiments de Jonathan.

Devenir amis. S’était lui qui rendait ça presque impossible. Il y avait trop de tension palpable entre eux, à chacune de leur rencontre. Ils pouvaient prétendre à devenir de simples amis. Mais le resteraient-ils ? Il y aurait toujours ses paroles entre eux : je suis attiré par vous. Et Rachel savait tout ce que cela impliquait. Elle finirait par lui faire regretter d’être de simples amis. Comme déjà il détestait la distance qu’elle tentait de mettre entre eux.

Les yeux émeraude de Rachel pétillèrent. Elle serra les dents jusqu’à ce qu’il lui permette enfin de prendre la parole. Bien qu’elle ne monta pas le ton autant que lui, sa voix se fit dure. « Ne venez pas me faire croire que, vous, vous savez ce que vous voulez. Vous voulez prendre de la distance, et vous me reprochez d’en faire autant ! » Elle poussa un court soupir irrité. « N’est-ce pas cette distance qui va nous permettre de prétendre être de simples amis ? Parce que ce ne sont certainement pas les pensées que vous avez à mon égard qui nous aideront. » Et ses pensées à elle ? « Qu’est-ce que vous attendez de moi, McGregor ? » Elle fit une pause, ses yeux ne quittèrent pas ceux du mutant. « Vous avez raison, vous n’êtes pas un de mes élèves. Vous êtes un homme. Il est peut-être temps que vous agissiez comme tel. »

Elle l’aurait bien frappé, à cet instant, pour remplacer les mots qui lui manquaient alors qu’il levait encore le ton contre elle. Mais avant la fin de sa diatribe, la parole lui revint. Rachel ne démorda pas. Elle pouvait fermer son esprit à n’importe quel moment, lui pouvait-il prétendre ne plus penser à elle de la manière dont il le faisait ? Ce n’était pas sa télépathie qui avait amené l’homme à penser à elle. Son don lui avait seulement dévoilé ce que Jonathan pensait à son égard. Même si elle cessait de lire en lui, lui ne cesserait de l’aimer. « Mon pouvoir n’est pas le problème ! Je peux fermer mon esprit, et croyez moi je vais le faire à l’avenir, mais vous, pouvez-vous arrêter de penser à moi ? » Question rhétorique. Rachel connaissait déjà la réponse.

Une question qui en amena une autre : ce qu’il attendait d’elle exactement, car elle non plus ne savait plus exactement sur quel pied danser. Elle utilisa son nom, en réponse, comme il l’avait lui-même fait à deux reprises, pour le provoquer. Mais Rachel ne savait pas réellement à quoi s’attendre en lui disant d’agir comme un homme. Le baiser fut une véritable surprise.

La première surprise passée, elle ferma les yeux. Elle eut l’impression que son cœur arrêta de battre. De ce qu’elle en savait, cela aurait pu être le cas. Mais elle était assez occupée ailleurs, tant que les battements désordonnés de son cœur n’avait aucune importance. Jonathan put la sentir trembler contre lui. Rachel reprit contact avec la réalité avec la fin du baiser, lorsqu’il recula son visage. Elle garda tout d’abord les yeux fermés. Elle pouvait sentir que ses mains tenaient toujours son visage en coupe. « Qu’est-ce qui vous prend ? » La jeune femme leva les yeux. Ils remontèrent lentement de la bouche de l’homme à ses yeux. Elle put y lire un désir qui la troubla et ne se rendit pas compte que ses yeux brillaient d’une émotion similaire. Elle dit doucement, presque dans un souffle : « C’est pour ça qu’on ne peut pas devenir amis. » Parce qu'il y avait bien plus entre eux. Rachel mit une main entre eux. « Tout ça... vous fait souffrir » Et elle pensait pouvoir le lui éviter en restant loin de lui. Elle avait sentit, au début, que c’était aussi ce que lui voulait. Alors pourquoi compliquait-il soudainement les choses?

Elle se sentit mieux, déjà, lorsqu’elle ne sentit plus les mains de Jonathan ; plus en mesure de respirer, l’esprit plus clair. Ce sentiment ne dura qu’un instant. Il leva son regard vers elle et elle put lire le désarroi dans le reflet de ses yeux bleus. Elle n’avait pas besoin d’étendre son esprit à sa rencontre pour savoir le sentiment qui s’agitait à l’intérieur de lui. " L'un ou l'autre... " Rachel le savait. Dans un cas comme dans l’autre, il allait souffrir. De ne pouvoir être avec elle ou de son incapacité. Et elle-même allait peut-être finir par souffrir dans le processus. S’il avait choisit son mal, Rachel aussi avait son mot à dire dans cette histoire. Elle savait comment tout ça pouvait se terminer. Il était bien plus facile pour elle de faire cesser tout ça immédiatement, que de les laisser développer de puissants sentiments l’un pour l’autre.

Il semblait cependant que Jonathan avait depuis un moment franchit ce cap, car il en éprouvait de puissantes pour elle. Étais-ce sa faute ? L’avait-elle laissé aller jusque là ? Elle avait laissé l’homme toucher son cœur d’un baiser, et repartir. Il en était sûrement de même avec lui.

Elle le regarda tracer son chemin en direction de l’école, en se disant qu’elle était en train de le perdre. Il allait prendre une décision, décider de ce qu’il allait faire désormais. Il avait déjà pensé quitter l’Institut pour ne plus la croiser. Rachel ne souhaitait pas un tel résultat. Mais qu’y pouvait-elle ? Elle voulait qu’ils soient amis, mais Jonathan rendait cela presque impossible. La mutante baissa la tête vers l’armature, et eut un mince sourire à la vue de ce que Jonathan avait réussit à faire de l’objet. Sa place était bien ici, il ne devait pas en douter. Surtout pas à cause d’elle.