Après-midi du 28 septembre 2009

Les paroles d’une chanson flottaient dans son esprit. Just know you’re not alone. Seule. Katherine lui avait assuré qu’elle ne l’était pas. Mais ça, Rachel le savait déjà. Ce n’était pas ce qui la rongeait de l’intérieur. Ce n’était pas ça qui pesait sur sa cage thoracique, coupant sa respiration, et qui la réveillait à court de souffle en plein milieu de la nuit. Settle down, it'll all be clear. Une pause. Elle en avait grandement besoin. Cette ville était électrique, à un pas du survoltage. Elle n’attendait que le bon moment pour faire un court circuit. Tout comme Rachel. Il lui fallait réfléchir calmement, faire le point sur les choses. Sans être médecin, elle s’auto prescrivit le seul remède qu’elle jugeait efficace et décolla de la cour de l’Institut avec force pour s’élancer vers le ciel. Don't' pay no mind to the demons. They fill you with fear. Elle devait faire taire ses angoisses, sans quoi elle leur serait à tous inutile. Laisser le passé là où il était. Une sage personne lui avait dit un jour que le temps effaçait tout, la douleur comme la colère, comme si le passé n’avait jamais existé. C’était vrai, mais les évènements ramenaient les cendres de son passé à la réalité. Et il y avait cette petite voix dans son esprit qui s’efforçait à s’y employer, soufflant sur les cendres, allumant la braise pour en faire des flammes. The trouble it might drag you down. Rachel se raisonna. Elle ne pouvait pas tomber plus bas que le sol. Et une fois à terre, il ne lui restait plus qu’à se relever. Elle l’avait fait tant de fois par le passé. Elle connaissait le mouvement à effectuer. Rien n’était changé. Au fond, même à travers les épreuves, elle était restée la même personne. Et cet apitoiement ne lui ressemblait pas. If you get lost, you can always be found. En ce jour, quelqu’un lui avait donné un bon conseil. Cette heure passée à discuter l’avait remuée, avait remué aussi des choses en elle. Si elle savait que les cauchemars ne cesseraient pas, au moins se devait-elle de les affronter du mieux qu’elle le pouvait. Au moins pouvait-elle agripper le gouvernail de sa vie et choisir la voie qu’elle décidait d’emprunter. Quoi qu’il arrive. Bons ou mauvais choix. Alors au moins pourra t-elle avoir la simple satisfaction de ne pas avoir couler dans les ténèbres du fleuve qu'est la vie sans avoir réagit. Personne n'avait dit que c'était censé être facile, sinon elle l'aurait su. Elle se rappela qu’aucun combat, aucune décision n’est déterminée d’avance. Qu’il y a des gagnants et des perdants. Et qu’il faut parfois s’attendre à perdre. Mais il y a aussi une certaine gloire dans la défaite. 'Cause I’m going to make this place your home. La mutante atterit dans une rue à l’écart de la circulation et de présence humaine, et décida de marcher dans les rues de New York, vers sa destination finale. Il était à peine dépassé trois heures de l’après-midi lorsqu’elle s’arrêta et prit le temps de regarder les arbres composant Central park, un immense oasis de verdure au milieu de la ville. Et pendant tout ce temps, son esprit avait manqué à l’appel, trop occupé qu’il était à se faire le surveillant attentif de pensées incohérentes, décousues, nombreuses ; trop occupé à guetter les neurones tisser les fils du jugement. Et son corps fut laissé sur le pilote automatique. Rachel traversa la rue et entra dans le parc.

De nouveau, la surprise l’envahissait. Ces derniers temps, cela lui arrivait souvent. Peut-être trop. C’était néanmoins un signe qu’elle ne négligea pas. Le signe que plusieurs puissances s’affrontaient dans cette guerre impitoyable, et qu’elle ne devait pas les sous-estimer mais plutôt redouter leurs décisions. Le signe qu’elle ne pouvait tout contrôler et qu’elle ne devait pas essayer. Toutefois, le mécontentement parut dans ses yeux émeraude, qui devinrent froid comme la pierre du même nom. Cette rencontre impromptu lui déplaisait. Rapidement, Grey comprit qu’elle ne pourrait pas entrer dans l’esprit de la femme qui, en bon agent, possédait de quoi empêcher les intrusions télépathiques. Cela ne lui plut pas davantage que le reste.

- Vous verriez un inconvénient à ce que je me joigne à vous pour cette promenade? Melle Grey...

D’un ton faussement cordial, elle répondit : « C’est un lieu publique. » Signifiant que si l’agente désirait se promener ici, il n’y avait rien qu’elle puisse y faire.

- je ne pensais pas que vous seriez si facile à trouver, menant votre vie tranquillement comme n'importe quel habitant. Mais vous avez raison c'est bien normal, après tout c'est ce que votre accord avec le Shield vous octroie....

Rachel serra les dents. Elle n’aimait pas ce que cette femme sous-entendait. Comme si elle ne respirait, ne bougeait, ne parlait, ne vivait, n’était là dans ce parc que parce que le Shield le lui permettait. Cette idée que l’on puisse ainsi disposer de sa vie la répugnait. Apparemment, l’intruse croyait que le Shield lui rendait service, et qu’il était donc de son devoir de leur rendre la pareil :

- Anderson... Le shield requiert vos services ou...talents spécifique sur une mission délicate... Il semblerait qu'il soit temps de reprendre du service...

Des deux, Anderson était probablement la plus enthousiaste. Rachel ne quittait pas sa froide façade. Un flash de son passé lui revint, et elle comprit qu’on voulait à nouveau se servir de ses dons de télépathie. « Vous êtes donc si désespéré ? …Vous voulez traquer un mutant, plusieurs peut-être ? Trouvez-vous un autre télépathe, je ne suis pas intéressée. »

Il ne fallait pas se méprendre : il s’agissait d’une convocation, d’un ordre. Rachel ne put empêcher un sentiment désagréable de l’envahir ; de vieux souvenirs qui refaisaient surface de temps à autre pour lui empoisonner l’existence. Cette femme aussi véhiculait son propre poison, de par les mots qui sortait de sa bouche. Une ombre passa dans le regard de la mutante ; de la tristesse, et un poids équivalent de colère.

La femme lui tourna le dos et s’éloigna de quelques pas. Le poing droit de Rachel se serra, alors que l’envie de faire une bêtise irréparable la traversa. Après tout, la télépathie n’était pas son seul pouvoir. Elle ne tenta rien, cependant. Au fond d’elle, elle avait toujours su que ce moment arriverait. Le moment où on lui demanderait de traquer les siens à nouveau. Avant de signer le contrat liant l’Institut, elle avait envisagé qu’une telle demande puisse être formulé à son égard ; et cette idée avait failli l'arrêter. C’était le prix qu’elle avait cru être prête à payer en ultime recours, pour que l’Institut puisse vivre en paix. Mais cette idée la révulsait. Elle ne pouvait pas. Ne voulait pas. Non, ce moment n’était pas en train d’arriver. Cette scène ne pouvait pas se jouer. On ne pouvait pas lui demander un tel sacrifice.

-  Vous allez respecter vos engagements dans l’intérêt de tous croyez moi.

Sa voix se fit plus dure qu’elle ne l’aurait cru, lorsqu’elle prit la parole à son tour.

« J’espère que ce n’est pas une menace.

La directrice que j’étais s’est engagée, mais je ne suis plus directrice, et la nouvelle va mettre fin à l’accord. Ravaler votre arrogance, je ne vous dois rien. »

- Que pensez vous qu'il va se passer? Que le gouvernement va bien prendre cette décision, va accepter que vous vous retiriez de cet accord qui était la seule raison au passe droit accorder à l'institut?

« Il le devrait. Nous ne sommes pas une menace. Nous ne l’avons jamais été. Pourquoi ne pouvez-vous pas voir ça ? L’institut a toujours œuvré pour le bien, alliance ou non. Rien n’a changé et rien ne changera. »

Cependant, Rachel n’était pas stupide. Elle savait que l’annonce de la directrice pouvait être interprété par certain comme une provocation. C’était cela qui l’effrayait au plus haut point. Frost venait peut-être de détruire en une journée ce que Rachel avait tenté de sauvegarder toutes ses années. Ce n’était pas une provocation, et cela ne changeait rien à leur position, mais Rachel sentait que Frost avait allumé une allumette alors que des barils de poudre se trouvaient non loin.

Sans grande envie, Rachel se saisit du dossier que la femme lui tendait. Elle sentit au même moment que le dispositif brouillant son pouvoir était éteint, et encra ses yeux perçant dans ceux de la femme. Une ombre les voila rapidement, lorsqu’elle prit la mesure de ce qui les attendait. Devant ses yeux, elle voyait un scénario qui se répétait.

Une lueur de colère brillait dans les yeux de la mutante. D’avance, elle savait comment toute cette histoire allait se terminer. Piégée dans un enchaînement d’évènement qu’elle aurait cru impensable, elle savait ce qu’il lui restait à faire.

- Il est temps que ça prenne fin. qu'en dites vous?

« L’alliance avec le S.H.I.E.L.D. a prit fin, la directrice ne reviendra pas là-dessus. Prenez-vous en à l’institut, et vous déclancherez la guerre que vous ne voulez pas. Je suis sûr que les rebelles en profiteront. …Vous voulez mon aide ? Demander au gouvernement de brûler son plan nous concernant, de nous oublier, ensuite on pourra parler... et je ferai ce que vous me demandez. »